The Queen   *  
Stephen Frears
sorti en octobre 2006
Imaginons, de ce côté-ci de la Manche, un film montrant le Président de la République, dans sa gestion des affaires autant que dans son quotidien. Et puis non, n’imaginez pas, il y a soit le récent Président, avec Dupontel, d’une grande médiocrité, soit le Promeneur du champ de Mars, avec Bouquet en Mitterrand, sentencieux, naphtalisé (il faut dire que lors de sa sortie, le président en question était mort depuis près de dix ans).
De l’autre côté du Channel, Stephen Frears met en scène la Reine d’Angleterre et son prime minister, Tony Blair, tous les deux encore aux affaires quand le film s’étale sur les écrans : c’est un premier sujet d’étonnement pour le spectateur français, qui sera surpris tout le long du film, par le cérémonial d’un autre âge entourant la famille royale, par la fascination inhérente à cette forme de pouvoir, par la façon de montrer les deux personnages, parfois très proches, parfois statues de cire.
Le propos, sans être passionnant, refuse toute simplification, et insuffle suffisamment d'ambiguïté pour que l’on reste l’esprit ouvert du début à la fin. L’essentiel de l’action repose sur la gestion de la crise suivant le décès de Diana, le silence de la famille royale...
Le premier ministre paraît être le seul à exprimer de la tristesse, il est montré comme ayant du coeur, et puis peu à peu, sans aucune lourdeur scénaristique, on comprend que tout cela est factice. Le personnage est manifestement plus intéressé par la peine du peuple que par le décès lui-même. Il cherche à plaire, il se mêle au déluge de compassion spontanée, il profite du désarroi des Britanniques et au final, la vision de Stephen Frears ne le rend pas très sympathique.
La Reine, au départ monstre froid, indifférente, inhumaine, parvient paradoxalement à nous émouvoir, probablement parce qu’elle est un vrai personnage de cinéma, décalée, assumant son incompatibilité avec la détresse populaire, fascinante et exerçant cet étrange charme en premier lieu sur le personnage de Tony Blair. Il est d’ailleurs étonnant, au vu des préjugés que l’on peut avoir sur ce dernier, que sa seule colère montrée dans le film, sincère et véridique (?), est une défense de la Reine et de l’institution monarchique.
Il est peu probable que le film attire en France autant de spectateurs qu’en Grande Bretagne, mais c’est incontestablement un très bon Stephen Frears.
avec

Helen Mirren
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