Mercredi matin, dix heures. Si je pars tout de suite, j’ai mes chances de voir tous les films prévus au programme. Quatre films, quelques transitions en vélo, du soleil, tout baigne, non ?
Sauf qu’aux abords de la porte d’Italie, ça coince sur le périph. Je vais être un peu court pour la séance de onze heures, je sors par la poterne des peupliers. La poterne des peupliers. Poétique appellation. Jamais su ce que c’était, une poterne. Jamais vu non plus s’il y avait oui ou non des peupliers.  Je tourne un peu autour de la place de l’abbé Henocque, joli quartier, avec des pavés dans les rues, des maisons, et même une petite place pour la journée pour y laisser ma voiture. Une station Vélib avec des vélos, et voilà c’est parti, la rue de Tolbiac jusqu’au bout, un petit quart d’heure jusqu’à Bibliothèque, dix heures cinquante, et là, bien sûr, pas de place à la station, toutes les bornes sont occupées. Je tourne un peu, beaucoup, pas d’énervement surtout, j’attends devant une station que quelqu’un vienne prendre un vélo, en vain, je me déplace encore, et enfin, une petite borne disponible. Onze heures cinq, cinq minutes à pied pour aller au MK2 bibliothèque, le film n’est pas commencé, super, je me pose sur une banquette rouge de la salle A, c’est le bonheur ces banquettes rouges, bien droites pour ceux qui aiment être le dos vertical, et bien larges pour ceux qui s’étalent. Le film commence trois secondes après m’être assis, j’ai évité les pubs, les bandes annonces, je déteste les bandes annonces, on en voit toujours trop, et il y a moins de surprises, après.
Le film, c’est 4 mois, 3 semaines; 2 jours.
Ça calme
Ça relativise vos petit malheurs.
Ça vous atteint, profondément.
 
Ensuite, un petit saut à la Grignote. C’est ma cantine du mercredi. Je ne connais pas d’endroit dans Paris où ils font de meilleurs sandwichs. Il y a aussi des quiches, des salades, des crêpes, et des tartes au chocolat. Les tartes au chocolat de la Grignote, c’est un délice.
Vous voulez savoir où se trouve la Grignote ? Gourmands ! C’est rue de Tolbiac, juste à l’angle de la rue du Chevaleret, qui passe en dessous (donc vous ne la voyez pas, la rue du Chevaleret).
Un jour, je vous raconterai la Grignote, en détails. Là, avec la patronne, on n’a pas eu le temps de causer de nos vacances, de la rentrée, de la vie qui va, j’ai juste dix minutes avant la séance suivante. Toujours au MK2 bibliothèque. Toujours sur une banquette rouge. Rétribution, un film de fantômes japonais. C’est un film japonais, avec des fantômes. C’est à dire qu’on y parle japonais, qu’on y croise des fantômes, habillés en rouge. Vous voyez ? Non ? C’est pas grave.
Après, à peine le temps de respirer, de voir le soleil et les jolies étudiantes qui vont étudier à la grande bibliothèque (si, si, même au mois d’août, il y a des étudiantes, qui a dit qu’elles étaient toujours en vacances ?), troisième film de la journée, séance à quinze heures vingt, dans la salle B du MK2 bibliothèque. C’est ma préférée, la salle B. Grande, mais pas trop. C’est là que j’ai vu Philippe dans “toi et moi”.
Nouvelle banquette rouge pour voir “Ceux qui restent”. Bien, vraiment bien, drôle et sensible, avec Emmanuelle Devos. j’aime bien cette actrice, atypique, aux rôles souvent surprenants.
Voilà, le film est fini, mais pas la journée. Je reprends un vélo à la station Vélib la plus proche, pas de soucis. Je file à St Germain, plus précisément rue de Rennes, entre Montparnasse et St Germain, au cinéma Arlequin. Ridicule, ce nom. Avant, bien avant, c’était le Cosmos, il ne passait que des films russes (ou presque). C’est là que j’ai vu, il y a peut être vingt ans, Stalker, de Tarkovski. Et aussi des Mikhalkov. Cinéma étrange et un peu mystérieux, avec son salon d’accueil en bas de l’escalier, il y a même des séances organisées par Claude-Jean Philippe, vous savez, celui qui présentait le cinéma de minuit, ou le ciné-club, je ne sais plus. C’était à la fin d’Apostrophes, l’émission de Pivot. Claude-Jean Philippe s’asseyait et commençait à raconter le film qui allait passer après, avec un débit incroyable, parce qu’il n’avait que quelques minutes pour dire plus de mille choses. Et Pivot le regardait, mi-amusé, mi-inquiet.
Voilà, maintenant, Pivot n’a plus d’émission, le ciné club a disparu des programmes et le Cosmos s’appelle l’Arlequin.
J’y suis pour “J’aurais voulu être un danseur”. Il y a deux vieilles dames dans la salle qui regardent les bandes annonces en faisant des commentaires. J’aime bien quand les gens font des commentaires en regardant les bandes annonces. Je me souviens d’une fois, après la bande annonce de je ne sais plus trop quel film d’action avec Nicolas Cage en motard franchissant des flammes au milieu d’explosions, d’un vieux monsieur plutôt digne qui avait dit tout haut, “encore une grosse merde amerloque”. Tout le monde avait ri dans la salle, peut-être parce que tout le monde pensait la même chose sans oser le dire.
Mais je m’égare, je regarde j’aurais voulu être un danseur. Et bien, pas moi.
Ensuite, re-vélib. Je viens de dire en parlant de l’Arlequin que c’était mieux avant, mais pour le vélib, y’a pas à dire, c’est le progrès, et c’est super-bien.
Je vais reprendre ma voiture, et je commence les critiques, dans ma tête.
C’était bien, ce mercredi.
La semaine prochaine, je recommence.
Un mercredi à Paris