Attention, s’il y a bien un meurtre, le film n’est pas un thriller. L’enquête policière, même si elle fait partie du récit, n’est absolument pas centrale. C’est un tout autre cinéma que Gus Van Sant nous propose. Un cinéma créatif, perturbant, interrogateur, sans cesse en danger, et sachant pourtant divertir. Le cadre s’approchant du carré, l’alternance du 35 mm et du super 8, l’usage étonnant du ralenti, la construction en flash-back décalés, tout concourt à faire de cet objet filmique une authentique œuvre d’art. Un film ? Pas exactement au sens où on l’entend dans les maisons de production classiques. Quelque chose comme une introspection de l’adolescence, de la communication en faillite, de l’immensité des questions sur la vie, l’amour et la mort.
Bien sûr, le film plaira plus aux critiques professionnels et aux cinéphiles endurcis qu’aux amateurs en dilettante, avec des plans questionnant le spectateur à chaque minute, des références splendides : Truffaut et les quatre coups, avec cette descente vers la mer, ouvrant le film mais presque à la clôture de l’évolution du personnage ; Hitchcock avec la scène de la douche, tendant vers l’abstraction, sublime alliance de l’image et du son ; Fellini avec ces groupes dans les rues nocturnes, hors des conventions.
Gus Van Sant, avec ce film, prouve qu’on peut encore s’exprimer et alarmer tout en innovant, en imaginant un langage cinématographique basé sur une connaissance pointue des anciens, mais totalement ancré dans le réel, dans le présent, et donnant comme une espérance d’ouverture du cinéma pour l’avenir. Ça n’est pas si courant, de nos jours…