Après le léger académisme de la palme d’or “le vent se lève”, Ken Loach revient à ce qu’il sait bien mieux faire : un regard acide et engagé sur la société d’aujourd’hui. Et ça fait mal, très mal.
Il avait jusqu’alors habitué les spectateurs à se mettre du côté des victimes du système pour mieux le dénoncer, sans pour autant oublier de montrer les décideurs ou les profiteurs, mais ceux-ci restaient des personnages secondaires. Ses démonstrations étaient fortes, mais sans surprises.
Ici, délibérément, il choisit de suivre un personnage touché par une injustice, et qui, par un jeu de choix et de conséquences pourtant évitables, va se retrouver de l’autre côté de la barrière. Cette Angie est terriblement attachante parce que pleine de vie et de volonté, impétueuse, capable du meilleur et du pire. On imagine le même film qui aurait montré la fille avec laquelle elle s’associe, raisonnable et pondérée, quel ennui cela aurait été !
Ken Loach nous emmène donc sur les traces d’une jeune femme qui pourrait être une amie, une battante, puis il nous retourne comme une crêpe (ou un billet de banque) pour nous montrer dans quelle inhumanité nous pouvons tomber, le grand mépris des autres vers lequel nous emmène l'économie libérale.
C’est dur, très dur, car il pointe non pas l’arrogance des puissants mais le monstre qui est en nous.
La mise en scène, sèche, nerveuse, sur le vif, renforce cette impression de malaise. On sort de la projection honteux de vivre dans ce monde-là. Mais c’est fait aussi pour cela, le cinéma : prendre des coups (moralement).