Flandres  
Bruno Dumont
sorti en août 2006
Grand prix Cannes 2006
 
Pourquoi tant de haine ?..
Pourquoi tant d’application à démontrer la misère de ces êtres humains ?
Le film est clairement partagé en trois parties : le quotidien hivernal, triste et sans aucun avantage (comme dirait la chanson) d’habitants de la campagne du nord de la France, puis la guerre que vont mener certains d’entre eux dans un pays non défini, mais qui pourrait être l’Irak, pour enfin aboutir au retour d’un combattant dans sa campagne toujours terne malgré l’arrivée du printemps.
Sans aucune musique, avec des dialogues tenant sur une demi-feuille, Bruno Dumont installe un climat oppressant malgré les espaces énormes, qu’on soit dans le froid humide de paysages dégagés des Flandres, ou bien dans la chaleur intense du désert, aux horizons forcément gigantesques. Il possède un immense talent pour faire ressentir à ce point l’indigence intellectuelle et sentimentale de tous les personnages, quels qu’ils soient. Il n’y a pas de jugement, pas de regard moralisateur, juste un exposé des faits, incroyablement cru. Tout paraît extrêmement maîtrisé : cadrage, montage, lenteur calculée. On ne ressort pas indemne d’un tel film où le sentiment de dégoût n’est pas moins fort dans les scènes d’incommunicabilité du début que dans celles où la guerre et ses ignobles actions barbares sont à la limite du soutenable.
Pendant la projection, et plus encore au sortir de la salle, une question taraude l’esprit; pour quel public est destiné ce “spectacle” ? Certainement pas pour ceux que le film est censé décrire. Pas non plus pour le “grand public”, celui qui remplit les salles en allant voir les succès américains ou les comédies françaises. Une seule sorte de spectateurs potentiels, et les bonnes critiques dans les journaux le confirment : un public dit “intellectuel” ou au moins cultivé, ou au pire le faisant croire. C’est là que le propos de Bruno Dumont devient quelque peu abject, peut-être à son insu. Le film semble nous dire, regardez les humains comme ils sont laids, et voyez par quelles infamies doivent-ils passer pour trouver un peu de beauté, une bribe de sentiment... Et il nous montre, film après film, inlassablement, la même catégorie de population dans laquelle lui et ses spectateurs potentiels n’y sont pas, bien sûr. On comprend dès lors, le relatif succès de son oeuvre : son public est sensible à son savoir-faire, sort choqué de l’épreuve qu’est la vision de ses films, mais au final pas tant que ça car il (le public) ne fait pas partie de cette humanité là, il est au dessus, il en est juste le spectateur horrifié mais fasciné, en restant toujours en dehors de l’identification.
avec

Samuel Boidin
Adélaïde Leroux
Henri Cretel
Inge Decaesteker
Jean-Marie Bruveart
Pardon d’avoir été aussi long, mais il fallait bien expliquer pourquoi le talent peut côtoyer l’abjection.