Nathalie Baye, Natalie Portman
Décembre 2005
Nathalie Baye... Lorsque dans les années 80, je disais que c'était une de mes actrices préférées, on méprisait ce penchant. Petite actrice, passe-partout, trop lisse, terne.
Natalie Portman... beaucoup diront qu'elle ne soutient pas la comparaison avec Keira Knightley ou Scarlett Johansson, trop lisse, gentille actrice, terne.

Toutes les deux alternent les grosses productions et les films d'auteur mais ce qui les réunit ici, c'est qu'on peut les voir chacune dans deux scènes où elles sont seules face à la caméra, deux scènes qui resteront comme les plus marquantes de cette année.

Dans Free zone, Natalie Portman ouvre le film, elle est de trois quarts, cadrée à gauche de l'image (à droite, la vitre de la voiture dans laquelle elle se trouve). Elle est en larmes, on entend une chanson (israélienne ?) dont les paroles s'affichent en sous titres, son visage se crispe parfois, tordu par le chagrin, puis un calme précaire revient. On ne sait pas ce qui la touche, la chanson, ce qu'elle voit par la fenêtre de la voiture, un mal intérieur... La scène est longue, en caméra fixe, le champ est très réduit, on peut tout imaginer car on ne sait rien du personnage. On peut aussi s'ennuyer et se demander quand le film va "commencer"... Il n'empêche, la performance paraît étonnante, car malgré l'ignorance de la situation, beaucoup de spectateurs sont émus, touchés par cette douleur.

Dans le petit lieutenant, Nathalie Baye clôt le film, elle est filmée de trois quarts, marchant seule sur une plage, elle se rapproche de la caméra, et la regarde, NOUS regarde par deux fois : après ce que son personnage vient de vivre, ce regard est foudroyant de détresse. C'est extraordinairement surprenant. Elle ne pleure pas (ou presque), elle ne donne aucune réponse aux questions que l'on est en droit de se poser à cet instant du film et cela pourrait agacer, mais ses yeux sont un appel qui reste en chaque spectateur, longtemps après être sorti de la salle. 

Ces deux actrices dites trop lisses, ternes, sont ici porteuses et passeuses d'émotions à un point inimaginable.
Bien sûr, Nathalie Baye et Natalie Portman ne sont pas les seules responsables, les deux réalisateurs les mettent dans certaines conditions qui ne sont pas anodines, cadre, lumière, contexte, son, beaucoup d'éléments contribuent à la naissance de cette émotion. Il n'empêche, il faut une bonne dose de confiance ou de risque pour penser ce genre de scène et la laisser vivre, par la grâce de l'interprète.
Chapeau bas et les yeux humides, merci Nathalie et Natalie, c'est pour ce genre de sensations que je passe des heures assis dans des salles obscures.

NB : Les deux photos ne correspondent pas aux scènes décrites...free%20zone.htmlle%20petit%20lieutenant.htmlshapeimage_2_link_0shapeimage_2_link_1