Comme pour le cinéma roumain, 
            on ne peut pas proprement parler d’école de cinéma 
            mexicaine, mais on ne peut que constater les points communs de trois 
            réalisateurs issus de ce pays : Inarritu, Cuaron, et le petit 
            dernier, Rodrigo Pla. Virtuosité dans la façon de raconter 
            une histoire, utilisation de la lumière grise, art d’appuyer 
            là où le monde va mal, sans oublier un formidable sens 
            du spectacle : ces trois metteurs en scène sont des artistes, 
            et les Américains l’ont bien compris, en faisant les 
            yeux doux aux deux premiers. Il y a fort à parier que l’auteur 
            de "la Zona" se retrouve lui aussi un jour aux commandes 
            d’une production hollywoodienne. 
            C’est une sorte de film choral, avec une dizaine de personnages 
            vivant au sein d’une résidence privée ultra-protégée, 
            réagissant chacun à leur façon à l’intrusion 
            de trois jeunes venus de l’extérieur presque par hasard. 
            Anticipation pure, ou dénonciation de ce qui se fait déjà 
            aux Etats-Unis, ou bien encore parabole de l’accueil des immigrants, 
            qu’importe, car quelque soit la vision du spectateur, celui-ci 
            est happé dès le début par ce thriller sans temps 
            mort, d’une très grande force narrative, hallucinant 
            de froideur et d’absence de pathos. Tous les personnages sont 
            intéressants, absolument pas figés, tout le contraire 
            de clichés. La zone résidentielle, elle-même personnage 
            à part entière, est filmée de façon très 
            ambiguë, parfois paradis, parfois prison. L’inexorable 
            déroulement de l’histoire fascine, glace, enserre le 
            spectateur malgré la multiplicité des points de vue. 
            Le film fait peur, car il n’est jamais théorique, les 
            situations sont vécues par les personnages comme s’ils 
            étaient réels, pas tout à fait comme on pourrait 
            s’y attendre, toujours avec une part d’incertitude sur 
            ce qui se passera après, comme dans la vraie vie…
            Bien sûr, le fond est particulièrement grave, malheureusement 
            clairvoyant sur l’évolution de nos sociétés 
            de plus en plus cloisonnées socialement, mais l’évolution 
            du personnage du fils du chef de la communauté peut représenter 
            comme une porte de sortie. En cela, le film n’est pas totalement 
            pessimiste. Cette échappatoire potentielle, cette raison d’espérer, 
            c’est aussi une marque de fabrique des trois réalisateurs 
            mexicains, travaillant dans le sombre mais offrant le plus souvent 
            la possibilité d’un jour de clarté, ce qui n’est 
            pas le cas pour les films roumains récents.