Bien sûr, Haneke est un grand 
            cinéaste, et son film, palme d’or à Cannes, est 
            de ceux dont on risque de se souvenir longtemps. Mais ce "ruban 
            blanc" est un monstre froid, lisse, distant, formellement proche 
            de la perfection, parvenant difficilement à créer de 
            l’émotion. Mais sans doute n’y avait-il pas de 
            volonté d’émouvoir ?
            On peut se demander, à l’issue de la projection, quels 
            étaient les objectifs du cinéaste. Il manque au spectateur 
            "de base", quelques clés, autant du point de vue 
            de l’Histoire de l’Allemagne et de ses religions que de 
            celui du simple amateur d’œuvre d’art. Ici, le discours 
            du créateur est probablement nécessaire pour saisir 
            les intentions sous-jacentes. Sinon, on reste très à 
            l’extérieur, contemplant avec respect le savoir-faire, 
            les cadrages étudiés au millimètre, le noir et 
            blanc superbe, la lenteur dans laquelle brillent quelques éclats 
            de folie…
            La violence mentale et l’ahurissante éducation rigoriste 
            peuvent être à l’origine de l’Histoire du 
            nazisme, est-ce cela qu’Haneke a voulu dire ? Ou bien s’agit-il 
            de montrer à nouveau des mystères qui ont à voir 
            avec la folie humaine, et qui, comme dans "Caché", 
            ne seront pas résolus ? On peut rester sur sa faim, et regretter 
            une fin abrupte, qui laisse le spectateur dans le désarroi. 
            
            Les enfants, victimes de sévices physiques et moraux, au centre 
            de toutes les intentions (celles des autres personnages, mais aussi 
            celles du réalisateur), font parfois penser aux enfants blonds 
            terrorisants du "village des damnés", film britannique 
            des années 60. Ils glissent, tels des fantômes polis 
            et impassibles, subissant la fureur des adultes, la renvoyant avec 
            une ambiguïté qui confine à la perversité.
            Le village et sa structure font penser à "Dogville", 
            de Lars Von Trier, qui montrait aussi un microcosme où naissait 
            l’épouvante. Les décors du village de ce ruban 
            blanc, avec leur réalité en noir et blanc (et donc faussée), 
            donnent à l’ensemble un aspect théorique, un peu 
            désincarné, absolument anti-hollywoodien, qui en rebutera 
            plus d’un.
            C’est donc un film "énorme", où l’on 
            ne s’ennuie pas une seconde, mais dont on peut sortir perplexe, 
            un peu étouffé par l’ampleur et la complexité 
            du propos, sans véritablement être bien certain d’avoir 
            saisi l’origine du malaise engendré par cette œuvre 
            hors du commun…