En deux réalisations de
films, Mélanie Laurent montre bien plus de sensibilité
et de style qu'en une grosse vingtaine de rôles. Puisse-t-elle
continuer à faire entendre sa petite musique personnelle…
Après "les adoptés",
plutôt consensuel et très élégant, elle
propose un récit qui aborde le thème de la perversion
narcissique sous l'angle de la fin de l'adolescence, et autant son
premier film avait tendance à brosser dans le sens du poil,
autant celui-ci réserve quelques aigreurs, quelques instants
qui n'ont rien de confortable. On pourra lui reprocher une fin d'histoire
très tranchée, elle a justement le courage de choisir,
de ne pas laisser le spectateur dans un entre-deux. Son récit
patine légèrement en milieu de film, mais globalement,
sans trop appuyer, en évitant beaucoup de clichés,
elle parvient à captiver tout en gardant son style, quelque
chose entre le gris et le bleu, entre une mélancolie latente
et une soif de vie réjouissante, avec beaucoup de fluidité
et quelques aspérités qui ne viennent pas toujours
au moment où l'on s'y attend. C'est un beau travail, un film
prenant, porté par deux actrices faisant vivre deux personnages
très contrastés, que l'on adore ou que l'on déteste
tout à tour, pas pour les mêmes raisons. Il y a beaucoup
de spontanéité dans les dialogues, on imagine que
tout n'est pas prévu par avance, et l'on peut passer d'une
scène très écrite, comme le cours de philo
du début où il se dit déjà pas mal de
choses sur les rapports humains, à une scène au contraire
très libre où les paroles fusent, s'entrecoupent et
donnent énormément de crédibilité à
ces rapports. Sous une apparence parfois un peu brouillonne, l'ensemble
est au contraire très structuré. On en sort certes
un peu chamboulé par ce qui vient de se passer entre ces
deux-là, mais aussi séduit par la façon dont
Mélanie Laurent raconte cette histoire. Entre classicisme
et créativité, c'est du cinéma, du vrai, qui
crée des émotions.