C'est implacable. C'est une dissection
en direct des rapports humains qui se tissent, qui se déchirent,
qui se tendent à l'extrême, qui se détruisent.
Et qui au passage détruisent les êtres eux-mêmes.
Peu de personnages : une femme, son ex-mari, son nouveau compagnon,
la nouvelle amie de son ex-mari. Et puis un enfant qui s'en va et
a de sacrées bonnes raisons pour le faire. Sans oublier,
en apparence extérieur et en réalité presque
au centre, le responsable d'une association qui cherche les enfants
disparus. Zvyagintsev a fabriqué une histoire très
simple, trop simple pour être le cœur du film. Ce sont
les relations entre ses personnages qui l'intéressent. Il
les exposent à travers de longues scènes très
travaillées, intenses, alternant des dialogues montrant le
plus souvent beaucoup de rancœurs, de reproches, de mépris…
avec des moments contemplatifs tristes, gris, froids, d'une beauté
crépusculaire. Ça n'est pas d'une folle gaité…
Zvyagintsev juge son pays très sévèrement,
et en particulier les nouveaux riches. Mais le film n'est pas qu'un
constat de la faillite des rapports sociaux en Russie, le propos
est bien plus universel : le monde perd peu à peu de son
Humanité, l'individualisme détruit toute empathie
et les quelques résistants à cette déchéance
de la fraternité ne sont pas des super héros. Et d'ailleurs,
probablement aucun américain n'aurait pu imaginer un tel
récit, aussi noir, aussi désespéré.
Finalement, d'une perfection formelle hallucinante, le film fait
bien plus peur que "Ça", rétrospectivement.
Il est aussi beaucoup plus réel. D'une lucidité terrible.