Il est tout à fait hors 
            normes, ce dernier voyage… Poème visuel et sonore de 
            l’Amour qui perdure après la mort, ce film léché, 
            d’une élégance surprenante, parvient à 
            émouvoir alors qu’aucune scène ne semble fabriquée 
            pour cela. Le récit n’est pas très tendu, mais 
            le tout petit nombre de personnages permet de ne pas perdre le fil. 
            
            Dès les premières secondes, le ton est donné 
            avec de longs plans séquences d’une construction et d’une 
            beauté qui peuvent paraître glaciales mais qui se révèlent 
            profondément fascinantes. L’apparente absence de sentiments 
            et d’émotions sur les visages impressionne car les personnages 
            accomplissent des gestes forts, sans solennité, mais avec gravité. 
            Ces actions s’inscrivent dans des paysages gris, brumeux, mélancoliques, 
            "tristes et tendres" comme il est dit à plusieurs 
            reprises. 
            Tout cela pourrait donner une œuvre un peu hermétique 
            et légèrement ennuyeuse, comme certains films de Tarkovski 
            (malgré tout le respect qu’on lui doit…), il n’en 
            est rien, les images (photo magnifique) et les sons (bande sonore 
            que l’on écouterait les yeux fermés, pour le plaisir…) 
            tiennent le spectateur sur le fil de l’émotion, qui naît 
            autant de ce qui se passe que de la beauté mystérieuse 
            et insistante de la mise en scène. 
            L’ensemble est à l’image des corps des trois personnages 
            : à première vue, ils semblent lourds, pesants, sans 
            grâce. Ils sont en réalité tout le contraire : 
            aériens, sensuels, trahissant leurs sentiments : les hommes 
            défaits par l’absence, submergés de tristesse, 
            la femme plus énigmatique, s’offrant avec mélancolie, 
            rêvant d’un autre peut-être. 
            A voir impérativement sur un grand écran, sans attendre 
            un éventuel passage à la télé (sur une 
            chaîne câblée au milieu de la nuit ?), pour goûter 
            à cet enchantement des sens.