Voici un vrai grand beau film
étrange, dérangeant, doux amer, baigné d’une
lumière chaude et pourtant parfois d’une beauté
froide, vibrant, cru et onirique… il parle de l’amour
et du désir d’une façon complètement
détournée mais sans jamais lâcher son sujet.
C’est en effet une histoire d’amour qui n’a rien
d’une comédie romantique et pourtant empreinte à
la fois d’un humour qui peut faire rire au moment où
l’on s’y attend le moins (parfois jaune, parfois d’effarement
mais aussi avec tendresse) et d’un romantisme échevelé,
sombre et magnifique. Les deux personnages principaux n’ont
rien d’amoureux classiques, ils ont tous les deux tant de
névroses (elle, surtout !), tant d’obstacles à
la communication, tant d’accrocs dans leur vie passée
ou présente que tout ce qui peut leur arriver est surprenant,
comme issu d’un rêve même lorsqu’ils ne
dorment pas et malgré cela, tous les détails matériels
sont extraordinairement réels, d’une miette de pain
sur une table qui peut devenir objet de fascination à la
chemise sitôt repassée sitôt enfilée comme
un geste dansé. L’ensemble donne une impression de
douceur, avec de nombreuses scènes de contemplation, d’attente,
d’observation des choses et des êtres, parfois sur le
fil, à la lisière de l’ennui, et pourtant il
y a des fulgurances, ici une violence froide, là un déchaînement
sonore qui laisse l’un des personnages de glace et puis soudain
une voix qui s’élève (Laura Marling) et c’est
l’extase… Récit (é)mouvant, rythme atypique,
contrastes aigus, seconds rôles détonants (la vieille
employée de l'abattoir experte en démarche de séduction,
à la fois drôle et touchante), c’est tout le
film qui explose d’originalité. Au plus fort de cette
singularité, il y a Alexandra Borbély, actrice à
la beauté unique, blonde apparemment impassible mais absolument
pas froide, qui joue de l’inquiétude, de la timidité,
de l’étonnement comme une virtuose du sentiment, avec
des regards qui effleurent, des sourires à peine esquissés,
toute la déception du monde qui se lit sur son visage avec
un jeu d’un minimalisme affolant… Ce n’est pas
elle qui porte le film, celui-ci a suffisamment de caractère
pour exister par lui-même, mais elle contribue à l’éclairer
avec une énorme présence, presque immobile.