Cela faisait un petit moment
que les distributeurs ne nous avaient pas proposé un film
roumain, en voici un, dans la lignée, non pas d'une hypothétique
école roumaine, mais d'un savoir faire, qui allie une observation
subtile et cruelle du genre humain à une façon de
raconter des histoires et de montrer des situations avec ironie
et recul, pour un résultat à la fois jouissif et désespéré.
Ce nouvel an, ou plutôt ce 20 décembre 1989, jour de
la chute de Ceausescu est à ranger dans les grands récits
qui s'intéressent à quelques destins personnels pour
écrire l'Histoire avec un grand H, dérisoire, amère,
étonnante, frôlant le pathétique et le sublime
dans un même élan. Très humaine, en quelque
sorte. Six personnages et leurs proches se débattent avec
les limites qu'ils se sont imposées, avec la société
kafkaïenne dans laquelle la noyade est toujours possible, avec
leurs engagements, leur honneur même s'il ne tient qu'à
un sourire. C'est drôle, d'un humour noir qui ne fait pas
éclater de rire mais qui peut vous tordre les boyaux, c'est
émouvant aussi parce que certaines relations amicales, amoureuses
ou familiales ont quelque chose de tout à fait universel,
dépassant le simple cadre d'une journée historique,
et sont montrées avec subtilité, sans manichéisme.
Il était très risqué de dépeindre les
six parcours différents (qui se croisent parfois) sans se
perdre, en les laissant toujours en suspens dans un équilibre
précaire entre quelque chose d'un peu ridicule ou proche
de la catastrophe et un mouvement inéluctable vers un avenir
légèrement meilleur, pour les reprendre en jouant
avec les ellipses et les raccourcis. Le pari est hautement réussi,
le film dans son ensemble est dense, puissant, mais aussi léger
et farceur, c'est de la comédie sans gags, de la tragédie
sans drame. Formidable.