Cate Blanchett a visiblement 
              inspiré Woody Allen ! Sa Jasmine est un vrai, un grand, un 
              beau personnage. L'histoire est formidablement bien écrite, 
              acide, d'un humour noir rampant, percutante, sans temps mort, construite 
              comme une ronde infernale.
              L'identité sociale de cette femme ne prête pas beaucoup 
              à l'identification... vous en connaissez beaucoup, des compagnes 
              d'hommes d'affaires richissimes ? Et le mépris qu'elle affiche 
              pour ceux qui ne sont pas de son monde donne envie de la détester, 
              d'emblée. Le récit déroule en parallèle 
              le présent – Jasmine, "ruinée", vient 
              s'installer chez sa sœur pour reprendre vie – et le passé 
              doré, où l'on voit le quotidien d'une grande bourgeoise 
              newyorkaise, de soirées mondaines en après-midi caritatives 
              en passant par les matinées shopping... épuisant ! 
              On apprend au passage les raisons de sa déchéance, 
              et ce qui la pousse à essayer de se relever. Bien sûr, 
              les personnages ne sont pas exempts de clichés, la sœur 
              vivant modestement est... caissière, ses compagnons successifs 
              sont soit des ivrognes, soit des menteurs; la reconversion de Jasmine 
              passe par... la décoration intérieure et il ne semble 
              y avoir que deux classes sociales qui coexistent, l'une est peuplée 
              de gros lourdauds qui regardent le sport à la télé, 
              boivent des bières, ont un langage ordurier et sont capables 
              d'être violents, l'autre est constituée de personnes 
              distinguées, hautaines, ayant un langage châtié 
              et très individualistes. Mais ce catalogue d'idées 
              reçues finit par être drôle et puis au final 
              rien ne se passe comme dans un film américain classique où 
              la morale politiquement et socialement correcte viendrait adoucir 
              les caractères et les destins des personnages. Non, Jasmine 
              n'apprendra rien des épreuves qu'elle traverse, elle gardera 
              son dédain pour les autres et sa sœur restera elle aussi 
              exactement au même point, sans aucune évolution. 
              Mais ce qui aura changé, et c'est bien là qu'on reconnaît 
              le talent de conteur de Woody Allen, c'est le regard du spectateur 
              sur les personnages. On déteste un peu moins Jasmine, elle 
              finit par nous toucher, malgré tout... L'incroyable présence 
              de Cate Blanchett y est aussi pour beaucoup, dans cette (presque) 
              tendresse que l'on éprouve pour Jasmine. Sacré numéro 
              de funambules, à la fois de l'actrice et du réalisateur 
              scénariste, qui parviennent à brosser un portrait 
              au vitriol tout en éveillant un sentiment de compassion.