Il n'est pas très étonnant
que le jury de Cannes, présidé par Ruben Östlund,
ait décerné la palme d'or à cette anatomie
d'une chute, de Justine Triet. Dans les films du réalisateur
suédois comme dans celui-ci, il y a quelque chose de pourri
dans les relations humaines en général et dans le
couple en particulier. Il y a le même goût, jusqu'au
dégoût, pour l'exploration introspective de tout ce
qui dysfonctionne au sein d'une relation. Ici, le récit est
dense, à la fois large et intime, tous les personnages ont
leur importance, c'est puissant, implacable, parfait jusque dans
les zones d'ombre. Le spectateur est en apnée, à l'écoute
de tout ce qui se dit, observant comme un scientifique les situations
exposées. La maîtrise de la mise en scène est
impressionnante, autant dans l'art des silences que dans le maniement
de la caméra : les échanges sont d'un naturel terrible,
malgré l'aspect très écrit des dialogues. Les
acteurs ne semblent pas jouer quoi que ce soit, ils sont leurs personnages,
pleinement. Au bout du compte, on ne peut qu'être admiratif
devant ce travail arachnéen qui parvient en douceur mais
avec une détermination sans failles à montrer comment
le doute peut s'insinuer partout, en gardant toujours le spectateur
du côté de son personnage principal (la mère
suspecte). La rigueur du film, sa perfection formelle, empêchent
sans doute toute empathie et seul le personnage du jeune garçon
crée une certaine émotion dans cette étendue
glacée. Mais c'est aussi cela, le cinéma.
